Bonjour à toutes et tous ☀️
D’abord un mot pour vous indiquer qu’après plusieurs mois de recherche, notre rapport sur la Géopolitique des Smart Cities est prêt pour la publication !
Je vous raconterai bientôt les coulisses de ce projet riche en rebondissements 😉
En attendant , je vous partage ci dessous la couverture du rapport qui donne le ton sur l’identité graphique du projet :
A l’occasion de la publication du rapport, nous coorganisons avec Leonard, le 22 mars, un événement de lancement pour échanger et débattre sur la Géopolitique des Smart Cities. Cet événement sera également l’occasion de présenter les résultats finaux et les prochaines étapes de notre recherche. Enfin, des versions papier du rapport seront disponibles en exclusivité pendant cet événement. Alors si ce projet vous intéresse et que vous souhaitez en discuter, n’hésitez pas à vous inscrire !
Pourquoi parler d’IA urbaines ?
Vous l’avez peut-être vu passer sur les réseaux sociaux, nous venons de sortir un Guide des IA urbaines dans lequel nous définissons notamment les IA urbaines comme “des systèmes algorithmiques apprenant à partir de données urbaines et servant de support au déploiement de solutions en ville”.
A la suite de cette publication et de cette définition, plusieurs personnes m’ont questionné sur la spécificité des Intelligences Artificielles urbaines. Pourquoi parler d’”IA urbaines” et pas simplement d’IA en ville ? Quel est le caractère proprement discriminant de ces typologies d’Intelligence Artificielle ?
Ces interrogations sont d’autant plus pertinentes que j’avais proposé la notion d’IA urbaine, il y a trois ans, par facilité de langage. A l’aube de mon tour du monde, ce terme semblait en effet plus approprié et facile d’usage que celui d’”IA en ville”.
Pourtant, à mesure de mon voyage, de mes rencontres, et par la suite de mes recherches pour la Chaire ETI, puis de nos travaux avec Urban AI, nous avons progressivement conceptualisé la notion d’IA urbaine sur la base de plusieurs observations:
Les IA déployées en milieu urbain sont hybrides. Autrement dit, leur modalité d’existence implique une matérialité, une présence dans le monde physique, qui les différencie de plusieurs autres formes d’IA. Cette matérialité n’est pas seulement infrastructurelle mais aussi, et surtout, infra-ordinaire. Elle se révèle et se déploie dans la banalité du quotidien. Là où la matérialité des algorithmes de recommandation de Facebook ou de Youtube est imperceptible - car reposant sur un réseau d’infrastructures invisibilisé: data centers, câbles sous marin, etc. - celle d’un véhicule semi-autonome ou d’un capteur Lidar servant de support à la cartographie d’un territoire s’impose à nous. Cette coprésence dans la banalité du quotidien a plusieurs implications très concrètes. Entre autres, le fait que ces IA soient critiques car susceptibles de transformer la vie des citadins. Une erreur de calcul sur une IA incorporée dans un logiciel de navigation routière - disons Waze par exemple - peut rapidement créer des congestions, voir des accidents, là où une mauvaise recommandation publicitaire reste relativement inoffensive. Plus largement, le caractère hybride des IA urbaines devrait inviter à redoubler d’attention sur leur design. Un exemple parmi d’autres est l’interface des IA urbaines qui, bien souvent, se limite à la surface de nos écrans de smartphone. Or cette modalité d’interaction n’est pas seulement anti-urbaine, elle est aussi dangereuse. Le smartphone rend littéralement aveugle et opaque aux signaux de l’environnement urbain - pouvant, entre autres, entrainer des accidents de la route. D’où la nécessité d’inventer d’autres matérialités - poétiques, vertueuses, frugales, capacitantes - pour ces IA urbaines (si ce sujet vous intéresse, voici le résumé de l’un de nos travaux sur les “interfaces sensibles”)
Les IA urbaines sont des instruments politiques et politisés. D’abord parce qu’elles se déploient dans la ville, qui est elle-même soumise à un entrelacement de réglementations. En ce sens, les IA urbaines doivent - ou du moins devraient - se conformer aux juridictions et aux normes d’un territoire. C’est ce qu’exprime le chercheur Stefaan Verhulst avec le concept de “AI Localism”. Autrement dit, les modalités de gouvernance d’une IA urbaine sont amenées à varier d’une ville à l’autre. C’est par exemple ce que nous voyons avec l’émergence de registres des IA à Helsinki, Amsterdam et bientôt Barcelone. De façon plus radicale, la possibilité de voir des trottinettes en libre service disparaitre de Paris, l’interdiction du vol de drones en zone urbaine dense dans plusieurs pays là où il est autorisé dans d’autres régions du monde comme la Chine, ou encore l’interdiction de la reconnaissance faciale dans de nombreuses villes, témoignent d’une politisation des IA urbaines. Ces exemples montrent donc l’émergence d’usages et d’environnements d’IA urbaines différenciés selon les villes. Concrètement, cela signifie que les villes et les acteurs urbains peuvent - et doivent - s’accorder sur un contrat social et une gouvernance locale autour des IA urbaines. C’est à cette seule condition que nous pouvons espérer le développement et le déploiement d’IA urbaines éthiques car conformes à l’ethos d’une communauté de destins.
La ville est un système complexe. Autrement dit, l’ordre urbain résulte de l’interaction d’un nombre considérable d’entités et d’éléments indépendants mais interconnectés. Cet ordre est de nature fragile, muable et imparfait. Ce dernier élément est particulièrement important. D’abord parce qu’il justifie l’existence des IA urbaines. Ces systèmes algorithmiques sont pertinents car ils peuvent nous permettre de mieux appréhender l’évolution de ce système complexe qu’est la ville. Utilisées à bon escient, les IA urbaines peuvent éclairer les choix individuels et faciliter la compréhension des dynamiques urbaines.
Par ailleurs, la complexité de la ville est elle-même une composante qui modifie la nature profonde des IA urbaines. Prenons l’exemple d’un véhicule autonome. Tant qu’il circule sur une autoroute, on peut sans mal imaginer que sa navigation automatique soit activée. Mais dès qu’il rentre en ville, il devient techniquement impossible de conserver cette modalité de conduite. Ne pouvant analyser et calculer en temps réel la complexité urbaine (passage de piétons, feux de signalisation, travaux, etc.), le véhicule autonome nécessite de repasser en mode manuel sous risque de provoquer un accident. Un autre exemple est celui de l’éblouissement de systèmes de reconnaissance par des laser, à Hong Kong, lors de contestations politiques en Juin 2019. Ici, la densité démographique couplée à l’ingéniosité humaine ont mis en péril le fonctionnement d’IA - à la différence près qu’il s’agissait d’un sabotage. Il ne s’agit là que de quelques exemples parmi de nombreuses possibilités qui montrent la résistance des villes aux IA.
Une première conclusion de ces échecs pourrait être de simplifier la ville, de la redessiner pour qu’elle se conforme au fonctionnement des IA. C’est la solution pour laquelle a par exemple optée le Parti Communiste Chinois lorsqu’il a exprimé sa volonté de créer des “Self-Driving Cities”.
Une autre possibilité est de partir de cette complexité pour imaginer, concevoir et déployer des IA urbaines. Cela signifie, entre autres, développer des systèmes d’IA ouverts aux usages et aux bifurcations. Chez Urban AI, c’est ce que nous appelons “urbaniser la technologie”.
L’ensemble de ces raisons nous amène à croire que les IA urbaines nécessitent l’ouverture d’un nouveau champ de recherche et d’expérimentation, à la fois pluridisciplinaire et multisectoriel . A cet égard, les “IA urbaines” sont avant tout un appel à ouvrir de nouveaux futurs autour de cette constellation technologique.
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